Déshériter son conjoint : ce qu’il faut savoir et comment procéder

La question de la déshéritation du conjoint est un sujet délicat, mais qui peut être pertinent dans certaines situations. En tant qu’avocat spécialisé en droit de la famille, nous vous proposons un éclairage sur les conditions, les conséquences et les solutions pour déshériter son conjoint tout en respectant le cadre légal.

Comprendre le principe de la réserve héréditaire

Avant d’aborder la question de la déshéritation du conjoint, il est important de rappeler le principe de la réserve héréditaire. Il s’agit d’une portion de la succession (biens et droits) que le défunt ne peut pas librement disposer, car elle est réservée aux héritiers dits « réservataires ». La réserve héréditaire est destinée à protéger les héritiers les plus proches du défunt, notamment les enfants et le conjoint survivant.

La situation du conjoint survivant en l’absence de testament

En l’absence de testament, c’est la loi qui règle la succession. Selon l’article 757 du Code civil, le conjoint survivant a vocation à recueillir une part importante de la succession du défunt, notamment :

  • Tout l’usufruit des biens existants si le défunt a des enfants issus d’une autre union ;
  • La pleine propriété des biens existants si le défunt n’a pas d’enfants ou que les enfants sont issus de leur union.

Cette situation peut être insatisfaisante pour le défunt qui souhaiterait avantager d’autres héritiers ou déshériter son conjoint pour diverses raisons (mésentente, séparation de fait, etc.).

Les limites à la volonté de déshériter son conjoint

Il est important de noter que la volonté de déshériter son conjoint doit respecter certaines limites imposées par la loi. En effet, le conjoint survivant est un héritier réservataire, ce qui signifie qu’il a droit à une part minimale de la succession appelée « réserve ».

Selon l’article 764 du Code civil, le conjoint survivant a droit à une réserve égale :

  • à 1/4 de la succession en pleine propriété en présence d’enfants issus d’une autre union ;
  • à 1/2 de la succession en pleine propriété en présence d’un enfant issu de leur union.

Ainsi, il n’est pas possible de déshériter totalement son conjoint, car il bénéficie toujours d’une part minimale irréductible.

Rédiger un testament pour avantager d’autres héritiers ou limiter les droits du conjoint

Pour écarter ou limiter les droits du conjoint survivant, il est nécessaire de rédiger un testament. Celui-ci permettra au défunt de disposer librement de la quotité disponible (partie restante après déduction de la réserve héréditaire) et d’avantager d’autres héritiers, tels que les enfants, les petits-enfants ou des tiers.

Il est également possible de rédiger un testament pour limiter les droits du conjoint en lui léguant uniquement l’usufruit des biens, sans lui accorder la pleine propriété. Cette solution peut être intéressante pour protéger les intérêts des enfants tout en permettant au conjoint survivant de continuer à bénéficier des biens durant sa vie.

Les conséquences fiscales de la déshéritation partielle du conjoint

Lorsqu’un conjoint est déshérité partiellement, il peut y avoir des conséquences fiscales importantes. En effet, le conjoint survivant bénéficie normalement d’une exonération totale des droits de succession en vertu de l’article 796-0 bis du Code général des impôts. Toutefois, si le défunt a volontairement limité les droits du conjoint par testament, cette exonération fiscale ne s’appliquera que sur la part légale reçue par le conjoint (réserve héréditaire).

Les autres héritiers qui bénéficieront de la quotité disponible devront quant à eux s’acquitter des droits de succession selon leur lien de parenté avec le défunt et la valeur des biens reçus.

Négocier une renonciation à succession ou un divorce pour mettre fin aux droits du conjoint

Dans certains cas, il peut être envisageable de négocier avec son conjoint une renonciation à succession. Cette solution consiste à ce que le conjoint accepte de renoncer à ses droits sur la succession du défunt, au profit d’autres héritiers. La renonciation à succession doit être consentie devant un notaire et elle est irrévocable.

Une autre solution pour mettre fin aux droits du conjoint est le divorce. En effet, selon l’article 265 du Code civil, le divorce entraîne la dissolution du régime matrimonial et met fin aux droits et obligations des époux. Ainsi, en cas de divorce, le conjoint perd sa qualité d’héritier réservataire et ne pourra pas prétendre à une part de la succession du défunt.

La déshéritation partielle du conjoint est un sujet complexe qui nécessite une réflexion approfondie et une bonne connaissance du droit successoral. Un avocat spécialisé pourra vous conseiller sur les solutions les plus adaptées à votre situation et vous accompagner dans la rédaction d’un testament ou la négociation d’une renonciation à succession.

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