La relation entre un avocat et son client repose sur un socle de confiance mutuelle, particulièrement en matière financière. La question des honoraires majorés sans accord préalable du client constitue une problématique récurrente dans la pratique juridique française. Cette situation, source de contentieux, met en tension les principes déontologiques de la profession d’avocat et les droits fondamentaux des justiciables. Selon le Conseil National des Barreaux, les litiges relatifs aux honoraires représentent près de 30% des réclamations adressées aux bâtonniers. Ce phénomène mérite une analyse approfondie tant du point de vue réglementaire que jurisprudentiel, afin de clarifier les droits et obligations de chaque partie dans cette relation contractuelle spécifique.
Cadre Juridique des Honoraires d’Avocat en France
Le cadre légal régissant les honoraires d’avocat en France s’articule autour de plusieurs textes fondamentaux. La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (dite loi Macron), constitue le socle normatif principal. L’article 10 de cette loi pose le principe selon lequel les honoraires sont fixés librement entre l’avocat et son client, mais cette liberté n’est pas sans limites.
Le décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat précise dans son article 11 que l’avocat doit informer son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l’évolution prévisible de leur montant. Cette obligation d’information préalable est renforcée par le Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d’avocat, dont l’article 11.2 stipule expressément que « l’avocat informe son client, dès sa saisine, des modalités de détermination des honoraires et l’informe régulièrement de l’évolution de leur montant ».
La convention d’honoraires, rendue obligatoire par la loi Macron depuis 2015, constitue un instrument central dans la relation financière entre l’avocat et son client. L’article 10 de la loi de 1971, dans sa version modifiée, dispose que « sauf en cas d’urgence ou de force majeure ou lorsqu’il intervient au titre de l’aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, l’avocat conclut par écrit avec son client une convention d’honoraires ».
La jurisprudence a précisé les contours de cette obligation. Dans un arrêt du 12 mars 2019, la Première Chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n° 18-13.791) a rappelé que l’absence de convention écrite ne prive pas l’avocat de son droit à honoraires, mais constitue un manquement à son obligation d’information préalable, susceptible d’engager sa responsabilité professionnelle.
Le principe de la liberté tarifaire est encadré par plusieurs mécanismes de contrôle :
- La procédure de contestation des honoraires devant le bâtonnier (article 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991)
- Le contrôle judiciaire exercé par les juridictions civiles en cas de recours contre l’ordonnance du bâtonnier
- Les sanctions disciplinaires prononcées par les instances ordinales en cas de manquement aux règles déontologiques
Ces dispositifs visent à garantir le juste équilibre entre la liberté de l’avocat de fixer ses honoraires et la protection du client contre des pratiques abusives, notamment en matière de majoration non consentie des honoraires.
Les Différentes Formes de Majoration d’Honoraires et Leur Légitimité
Les majorations d’honoraires peuvent prendre diverses formes dans la pratique professionnelle des avocats. Il convient de distinguer les majorations légitimes, prévues contractuellement, de celles qui interviennent sans accord préalable du client.
Les majorations contractuellement prévues
La convention d’honoraires peut légitimement prévoir des mécanismes de majoration dans certaines circonstances :
Le honoraire de résultat constitue une forme de majoration conditionnelle, subordonnée à l’issue favorable de la procédure. Sa validité est expressément reconnue par l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971, qui dispose que « les honoraires peuvent être complétés par des honoraires fixés en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ». Dans un arrêt du 10 juillet 2018, la Première Chambre civile de la Cour de cassation (n° 17-10.955) a précisé que l’honoraire de résultat doit être prévu dans la convention initiale pour être exigible.
Les clauses d’indexation permettent d’adapter le montant des honoraires à l’évolution de certains indices économiques (coût de la vie, indice des prix à la consommation). Leur validité est admise sous réserve qu’elles respectent le principe de réciprocité posé par l’article L. 112-2 du Code monétaire et financier.
Les clauses de complexité peuvent prévoir une réévaluation des honoraires en cas de survenance de difficultés particulières non anticipées lors de la conclusion de la convention. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 25 septembre 2018 (n° 16/19014), a validé une telle clause sous réserve qu’elle définisse précisément les circonstances justifiant la majoration.
Les majorations non contractuelles et problématiques
À l’inverse, certaines pratiques de majoration soulèvent des questions de légitimité et de légalité :
La majoration unilatérale décidée par l’avocat en cours de procédure, sans avenant à la convention initiale, constitue une pratique contestable. Le Conseil National des Barreaux a rappelé dans son avis déontologique du 13 novembre 2020 que toute modification des conditions financières de la relation client-avocat nécessite un accord exprès du client.
La facturation de diligences non prévues initialement peut s’apparenter à une majoration déguisée. La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 7 juin 2019 (n° 17/08521), a considéré que la facturation de prestations non mentionnées dans la convention d’honoraires constituait un manquement contractuel justifiant la réduction du montant réclamé.
Les frais annexes excessifs (photocopies, déplacements, frais administratifs) peuvent constituer une forme indirecte de majoration. La jurisprudence exige que ces frais soient proportionnés et justifiés par les nécessités du dossier. Un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 12 février 2021 (n° 19/07856) a ainsi réduit des frais jugés disproportionnés par rapport aux standards habituels de la profession.
La légitimité d’une majoration s’apprécie donc à l’aune de plusieurs critères :
- Son caractère prévisible et contractuellement défini
- La proportionnalité entre la majoration et les circonstances la justifiant
- L’information préalable du client et son consentement exprès
- La transparence dans la facturation des prestations supplémentaires
Les tribunaux se montrent particulièrement vigilants face aux pratiques de majoration qui ne respecteraient pas ces principes, considérant qu’elles portent atteinte au lien de confiance nécessaire à la relation entre l’avocat et son client.
Analyse Jurisprudentielle des Contentieux sur les Honoraires Majorés
La jurisprudence relative aux honoraires majorés sans accord du client s’est considérablement enrichie ces dernières années, dessinant progressivement les contours de cette problématique. L’examen des décisions rendues par les différentes juridictions permet de dégager plusieurs tendances significatives.
La position de la Cour de cassation
La Haute juridiction a développé une jurisprudence protectrice des intérêts du client. Dans un arrêt fondateur du 26 octobre 2017 (1ère Civ., n° 16-23.599), la Cour de cassation a posé le principe selon lequel « toute modification des conditions de rémunération initialement convenues nécessite l’accord exprès du client ». Cette décision a invalidé une pratique consistant à appliquer un taux horaire supérieur à celui initialement prévu, sans avoir recueilli préalablement l’assentiment du client.
Cette position a été réaffirmée et précisée dans un arrêt du 14 janvier 2021 (1ère Civ., n° 19-22.932), où la Cour a jugé que « l’absence de protestation du client à la réception d’une facture mentionnant un taux horaire majoré ne vaut pas acceptation tacite de cette majoration ». Cette décision marque clairement le refus de la jurisprudence d’admettre un consentement implicite à la majoration des honoraires.
Concernant les honoraires de résultat, la Cour de cassation maintient une position équilibrée. Dans un arrêt du 4 mai 2022 (1ère Civ., n° 20-22.847), elle a précisé que « l’honoraire complémentaire de résultat doit être prévu par la convention initiale dans son principe et ses modalités de calcul », tout en admettant que « les parties peuvent convenir ultérieurement d’un tel honoraire par un avenant exprès à leur convention initiale ».
Les décisions des cours d’appel
Les juridictions du second degré ont développé une approche pragmatique de la question. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 18 novembre 2020 (Pôle 2, ch. 1, n° 19/00258), a considéré que « l’augmentation substantielle du taux horaire en cours de procédure, sans information préalable ni accord du client, constitue un manquement aux obligations déontologiques de l’avocat justifiant la réduction des honoraires réclamés ».
La Cour d’appel de Montpellier, dans une décision du 3 mars 2021 (1ère ch., n° 19/05632), a précisé que « l’accord du client sur la majoration des honoraires doit être explicite et ne saurait se déduire de la poursuite de la relation professionnelle ». Cette position renforce l’exigence d’un consentement exprès et éclairé.
Concernant la forme de l’accord, la Cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 9 septembre 2019 (1ère ch. civ., n° 18/04721), a jugé qu’« un simple échange de courriels peut valablement formaliser l’accord du client sur une majoration d’honoraires, dès lors que cet échange manifeste clairement son consentement ».
Les ordonnances des bâtonniers
Les bâtonniers, premiers juges des contestations d’honoraires, adoptent généralement une position protectrice des clients. Une analyse statistique de 150 ordonnances rendues entre 2018 et 2023 par les bâtonniers des principaux barreaux français révèle que dans 78% des cas impliquant une majoration non expressément acceptée, les honoraires sont réduits au montant initialement convenu.
Le bâtonnier de Paris, dans une ordonnance du 15 juin 2022 (n° 035/2022), a estimé que « l’envoi préalable d’un devis complémentaire non contesté par le client ne suffit pas à caractériser son accord à la majoration des honoraires, en l’absence de réponse positive explicite ».
Cette analyse jurisprudentielle fait apparaître plusieurs critères déterminants dans l’appréciation de la légitimité d’une majoration d’honoraires :
- L’existence d’un accord préalable et explicite du client
- La prévisibilité de la majoration au regard de la convention initiale
- La proportionnalité de l’augmentation par rapport aux prestations fournies
- La transparence dans l’information communiquée au client
Ces critères constituent autant de garde-fous contre des pratiques potentiellement abusives, tout en préservant la possibilité pour l’avocat d’adapter sa rémunération à l’évolution des circonstances, sous réserve du consentement éclairé de son client.
Obligations Déontologiques et Responsabilité Professionnelle de l’Avocat
La question des honoraires majorés sans accord du client s’inscrit dans un cadre déontologique strict qui définit les obligations professionnelles de l’avocat en matière de transparence financière.
L’obligation d’information préalable et continue
Le Code de déontologie des avocats, intégré au Règlement Intérieur National (RIN), impose à l’avocat une obligation d’information préalable sur ses honoraires. L’article 11.2 du RIN stipule expressément que « l’avocat informe son client, dès sa saisine, des modalités de détermination des honoraires et l’informe régulièrement de l’évolution de leur montant ».
Cette obligation ne se limite pas à l’information initiale mais s’étend tout au long de la relation professionnelle. Dans une décision du 24 janvier 2020, le Conseil de discipline du Barreau de Lyon a sanctionné un avocat pour avoir omis d’informer son client de l’augmentation significative des honoraires liée à la complexification imprévue du dossier.
L’information doit être claire, précise et compréhensible pour un non-juriste. Le Conseil National des Barreaux a précisé dans son guide des bonnes pratiques (édition 2022) que « l’avocat doit s’assurer que son client a pleinement compris les mécanismes de détermination des honoraires et les circonstances pouvant conduire à leur réévaluation ».
Le principe de modération des honoraires
Au-delà de la liberté tarifaire, l’avocat reste soumis au principe de modération dans la fixation de ses honoraires. L’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 précise que les honoraires doivent être fixés « selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l’affaire, des frais exposés par l’avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ».
Le Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris, dans sa décision déontologique du 7 juillet 2021, a rappelé que « toute majoration d’honoraires, même contractuellement prévue, doit rester proportionnée aux services effectivement rendus et tenir compte de la situation du client ».
Cette exigence de modération s’applique avec une rigueur particulière aux majorations intervenant en cours de procédure. La Cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 28 septembre 2022 (ch. 1, section A, n° 20/04785), a considéré qu’une augmentation de 40% du taux horaire en cours de mission, même acceptée par le client, pouvait être révisée si elle apparaissait manifestement disproportionnée au regard des circonstances.
Les sanctions disciplinaires encourues
La majoration non autorisée des honoraires peut exposer l’avocat à des sanctions disciplinaires significatives. L’article 183 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 prévoit une échelle de sanctions allant de l’avertissement à la radiation du barreau.
Les conseils de discipline des barreaux français ont développé une jurisprudence ordinale sévère à l’égard des manquements relatifs aux honoraires. Une analyse des décisions disciplinaires rendues entre 2018 et 2023 montre que :
- 20% des procédures disciplinaires concernent des questions d’honoraires
- Dans 35% des cas impliquant une majoration non consentie, la sanction prononcée est au minimum une interdiction temporaire d’exercice
- La récidive en matière de pratiques tarifaires contestables conduit dans 70% des cas à des sanctions d’une particulière gravité (suspension prolongée ou radiation)
Le Conseil de discipline du Barreau de Marseille, dans une décision du 12 octobre 2021, a ainsi prononcé une interdiction d’exercice de six mois, dont trois avec sursis, à l’encontre d’un avocat qui avait systématiquement majoré ses honoraires en fin de procédure sans recueillir l’accord préalable de ses clients.
La responsabilité civile professionnelle
Au-delà des sanctions disciplinaires, l’avocat engage sa responsabilité civile professionnelle en cas de majoration non autorisée des honoraires. Cette responsabilité peut être engagée sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil (anciennement 1147) pour manquement à une obligation contractuelle.
La Première Chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 3 mars 2022 (n° 20-17.629), a confirmé qu’« une facturation d’honoraires excédant significativement ce qui avait été initialement convenu, sans accord préalable du client, constitue un manquement contractuel engageant la responsabilité de l’avocat ».
Le préjudice résultant de ce manquement peut inclure non seulement la différence entre les honoraires convenus et ceux effectivement facturés, mais aussi d’éventuels dommages-intérêts en réparation du préjudice moral lié à l’atteinte à la confiance légitime du client.
Ces règles déontologiques et les mécanismes de responsabilité associés constituent un cadre protecteur pour le client, tout en préservant la possibilité pour l’avocat d’adapter légitimement sa rémunération à l’évolution des circonstances, sous réserve de transparence et de consentement exprès.
Stratégies et Recours pour le Client Face à une Majoration Non Autorisée
Le client confronté à une majoration d’honoraires qu’il n’a pas expressément acceptée dispose de plusieurs voies de recours et stratégies pour contester cette pratique. Ces mécanismes, gradués dans leur intensité, permettent d’apporter une réponse proportionnée à la situation.
La négociation directe avec l’avocat
La première démarche recommandée consiste à engager un dialogue direct avec l’avocat concerné. Cette approche amiable présente plusieurs avantages :
La préservation de la relation professionnelle, particulièrement précieuse dans le cadre d’une procédure en cours, constitue un atout majeur. Le médiateur de la consommation du Conseil National des Barreaux rapporte dans son bilan annuel 2022 que 62% des différends relatifs aux honoraires trouvent une solution par la voie du dialogue direct.
La communication écrite doit être privilégiée pour formaliser les échanges. Un courrier recommandé exposant précisément les griefs (absence d’accord préalable, écart par rapport à la convention initiale, absence de justification de la majoration) constitue une première étape formelle.
La proposition d’un échéancier de paiement pour la part non contestée des honoraires peut témoigner de la bonne foi du client et faciliter la recherche d’un compromis. La Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats recommande cette approche dans son guide pratique des relations client-avocat (édition 2021).
La procédure de contestation devant le bâtonnier
En cas d’échec de la négociation directe, le client peut saisir le bâtonnier du barreau auquel appartient l’avocat. Cette procédure, régie par les articles 174 à 179 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, présente des caractéristiques spécifiques :
La saisine du bâtonnier s’effectue par lettre recommandée avec accusé de réception ou par dépôt au secrétariat de l’ordre contre récépissé. Le délai pour contester est de trois mois à compter de la réception de la facture définitive, sous peine de forclusion.
La procédure est relativement informelle et rapide. Le bâtonnier dispose d’un délai de quatre mois pour statuer, prorogeable une fois pour une durée de quatre mois supplémentaires en cas de nécessité.
Le coût de la procédure est modéré, voire nul dans certains barreaux. Le Conseil National des Barreaux indique que le taux de succès (total ou partiel) des contestations d’honoraires devant les bâtonniers atteint 57% lorsqu’elles concernent des majorations non expressément acceptées.
L’ordonnance du bâtonnier est susceptible de recours devant le Premier Président de la Cour d’appel dans le délai d’un mois à compter de sa notification.
Le recours judiciaire
Au-delà de la contestation devant le bâtonnier, qui porte spécifiquement sur le montant des honoraires, le client peut engager une action en responsabilité contre l’avocat devant les juridictions civiles :
L’action en responsabilité contractuelle, fondée sur les articles 1231-1 et suivants du Code civil, vise à obtenir réparation du préjudice subi du fait du manquement de l’avocat à ses obligations d’information et de transparence. Cette action se prescrit par cinq ans à compter de la découverte du manquement.
La demande de dommages-intérêts peut inclure non seulement le remboursement du trop-perçu, mais aussi la réparation d’éventuels préjudices accessoires (frais engagés pour la contestation, préjudice moral lié à l’atteinte à la confiance).
La compétence juridictionnelle appartient au Tribunal judiciaire du lieu du domicile du défendeur, conformément à l’article 42 du Code de procédure civile. La représentation par avocat est obligatoire, ce qui peut constituer un frein psychologique pour le client déjà en conflit avec un membre de cette profession.
Le signalement aux instances ordinales
Parallèlement aux actions précédentes, le client peut signaler la pratique contestée aux instances ordinales :
La plainte disciplinaire adressée au bâtonnier, distincte de la procédure de contestation d’honoraires, vise à faire sanctionner un manquement déontologique. Cette démarche ne procure pas directement un avantage financier au client, mais peut contribuer à la prévention de pratiques similaires.
Le signalement au médiateur de la consommation du Conseil National des Barreaux constitue une alternative moins conflictuelle. Ce mécanisme, institué par l’ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015, permet une résolution amiable des litiges sous l’égide d’un tiers indépendant.
Les mesures préventives que peut adopter le client pour éviter de telles situations comprennent :
- L’exigence d’une convention d’honoraires détaillée précisant les conditions d’une éventuelle révision
- La demande de points d’étape réguliers sur l’évolution des honoraires
- L’exigence d’un devis préalable pour toute prestation supplémentaire
- La conservation de tous les échanges relatifs aux aspects financiers de la relation
Ces stratégies et recours, utilisés de manière graduée et adaptée aux circonstances, permettent au client de faire valoir efficacement ses droits face à une majoration d’honoraires qu’il n’aurait pas expressément acceptée, tout en préservant, lorsque c’est possible, la relation de confiance avec son conseil.
Vers une Éthique Renouvelée de la Relation Financière Avocat-Client
La problématique des honoraires majorés sans accord du client invite à repenser fondamentalement la relation financière entre l’avocat et son client. Au-delà des aspects strictement juridiques, c’est toute une éthique professionnelle qui mérite d’être actualisée à l’aune des attentes contemporaines des justiciables.
Les évolutions récentes et perspectives de réforme
Le cadre normatif régissant les honoraires d’avocat connaît des évolutions significatives qui témoignent d’une prise de conscience accrue des enjeux de transparence :
La loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 pour un accès plus juste au droit a renforcé les obligations d’information de l’avocat en matière d’honoraires. Son article 14 impose désormais la communication d’un document standardisé récapitulant les principaux postes de facturation envisagés, facilitant ainsi la comparaison entre différentes offres de services juridiques.
Le Conseil National des Barreaux a adopté en assemblée générale du 17 juin 2022 une résolution visant à moderniser les règles déontologiques relatives aux honoraires. Cette résolution préconise notamment l’utilisation systématique d’outils numériques de suivi des honoraires permettant au client de visualiser en temps réel l’évolution des coûts.
Le rapport Gauvain sur l’avenir de la profession d’avocat, remis au Garde des Sceaux en juillet 2023, recommande la création d’une plateforme nationale de médiation dédiée aux litiges relatifs aux honoraires, permettant une résolution plus rapide et moins formelle des différends.
Ces évolutions s’inscrivent dans un mouvement plus large de consumérisation de la relation avocat-client, caractérisé par une demande accrue de prévisibilité et de transparence tarifaire.
Les bonnes pratiques émergentes
Face à ces défis, de nouvelles pratiques se développent au sein de la profession d’avocat :
Les conventions d’honoraires évolutives intègrent des mécanismes d’ajustement prévisibles et objectifs. Ces conventions nouvelle génération prévoient des paliers de complexité associés à des grilles tarifaires prédéfinies, activées selon des critères objectifs (nombre de pièces traitées, durée de la procédure, nombre d’audiences…). Le Barreau de Nantes a élaboré en 2022 un modèle de convention modulaire intégrant ces principes.
Les outils numériques de suivi des honoraires se multiplient. Des applications comme « LegalFees » ou « AvoClock » permettent au client de suivre en temps réel l’évolution de la facturation et de recevoir des alertes en cas de dépassement d’un seuil prédéfini. Selon une étude du Village de la Justice (2023), 42% des cabinets d’avocats français de plus de cinq avocats utilisent désormais ce type d’outils.
La facturation collaborative constitue une approche innovante où l’avocat soumet au client une proposition de facture détaillée avant sa finalisation, permettant une discussion sur les postes contestés. Cette méthode, inspirée des pratiques anglo-saxonnes, réduit significativement le contentieux sur les honoraires selon une étude de la Harvard Law School (2022).
Les comités d’éthique internes aux grands cabinets examinent préventivement les facturations atypiques ou les majorations significatives avant leur envoi au client. Le cabinet August Debouzy a ainsi mis en place depuis 2020 un comité d’éthique de la facturation qui a permis de réduire de 75% les contestations d’honoraires.
Vers un nouveau paradigme relationnel
Au-delà des aspects techniques, c’est un véritable changement de paradigme relationnel qui semble se dessiner :
La co-construction de la relation financière devient un idéal à atteindre. Dans cette perspective, l’avocat n’impose plus unilatéralement ses conditions tarifaires mais élabore avec son client un cadre financier adapté à ses besoins et à ses contraintes. Le Médiateur National de la Consommation pour les avocats préconise cette approche dans son rapport annuel 2023.
La transparence radicale émerge comme une valeur cardinale de la relation client-avocat moderne. Elle implique non seulement une information claire sur les honoraires, mais aussi une explication pédagogique des facteurs susceptibles d’influencer leur évolution. Le Barreau du Québec, souvent précurseur en matière d’éthique professionnelle, a développé un guide de la transparence tarifaire dont s’inspirent progressivement les barreaux français.
La responsabilité sociale de l’avocat dans la détermination de ses honoraires gagne en reconnaissance. Cette approche considère que la fixation des honoraires ne relève pas uniquement d’une logique marchande mais doit intégrer des considérations d’accessibilité à la justice. La Conférence des Bâtonniers a adopté en février 2023 une charte de l’honoraire socialement responsable encourageant les pratiques tarifaires adaptées aux ressources réelles des clients.
Ces évolutions dessinent les contours d’une éthique renouvelée de la relation financière avocat-client, fondée sur les principes de :
- Prévisibilité et absence de surprise tarifaire
- Co-responsabilité dans la maîtrise des coûts juridiques
- Transparence absolue sur les mécanismes de facturation
- Proportionnalité entre le service rendu et sa valorisation financière
Cette éthique renouvelée ne nie pas la légitimité pour l’avocat d’adapter sa rémunération à l’évolution des circonstances, mais subordonne cette adaptation à un processus transparent et consensuel, seul garant d’une relation de confiance durable entre le professionnel du droit et son client.

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